vendredi 9 mars 2018

Les questions qui tuent

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Sous-titre 1 : Mais qui est Lou B. ?
Sous-titre 2 : Le Lou des chants et le Lou à apprivoiser… mais pas trop
 
Lou Boland (alias Lou B.)
Première question (préambule) : 
M’est-t-il encore possible de vivre dans le faux semblant ?

Quand en permanence à nos côtés, se tient un livre ouvert…
D’une sincérité absolue, parfois maladroite (Ah les pieds dans le plat réguliers !).
D’une gentillesse absolue (L’innocence est une vertu dans la rencontre de l’autre. Gage d’ouverture, d’absence d’à priori).
D’une tendresse incommensurable (Troublante pour les personnes qui le rencontrent pour la première fois).
D’une générosité aux saveurs gentiment égocentrées …et non égocentriques (Il ne maîtrise que son monde).
D’un talent musical hors-normes, particulier, unique.
D’une créativité débridée, libre de tout carcan, règles ou modes.
D’un sens réel de l’esprit et de l’humour (c’est lui qui a imaginé les jeux de mots en «al»et «aux»).
D’une simplicité et spontanéité où les mots « trac », « vedettariat », « grosse tête » ou le « qu’en dira-t-on » n’existent pas et n’existeront probablement jamais...

La réponse à cette première question est définitivement : non.
Lou déteint.
Bien que je reconnaisse ces gènes en moi.
Et puis, Lou a besoin de vérité, de sincérité.
Cela fait plus de 12 ans (et le documentaire « Lettre àLou ») qu’il m’est devenu impossible de vivre dans le faux semblant, dans l’intime comme dans la vie publique. Même si j’ai conscience que cela me joue bien des tours, en ce que cela ne facilite pas la vie « professionnelle » et « médiatique » avec leurs modes, règles et protocoles, us et coutumes, déférences et ronds de jambe, langues de bois et hypocrisies, calculs et plans.
Mais je et nous sommes heureux ainsi.

De la seconde question qui en découle :

Comment ne pas abîmer la beauté précieuse de l’âme de Lou par le nécessaire ancrage dans la réalité de ce monde ?

Pour qu’il puisse vivre avec un minimum d’autonomie.
Pour qu’il ne soit pas broyé, exclu, rejeté, abandonné…
Je me pose sans cesse cette question sans en avoir la réponse.
Les contradictions se bousculent dans ma tête.
Son talent artistique se nourrit de ce qu’il est, de cette structure physiologiquement différente de son cerveau. Car son talent ne se limite pas à la musique mais aussi aux imitations des voix, des sons de la vie, machines ou animaux.
Son talent, c’est tout autant son humanité : la sincérité et sa gentillesse désarmante.
Il détient une des clés du bonheur. Car oui, il rend de très nombreuses personnes heureuses d’être en contact avec un être vrai. De plus, dans son insouciance, Lou est globalement heureux et nous y veillons.

Des centaines de milliers de personnes (pour ne pas dire quelques millions) ont croisé  le « Lou des chants » par la presse, la télévision, internet ou lors de concerts.
La majorité de ceux qui ne le connaissent que par ces biais « consomment » sans se « questionner » ou par absence de curiosité. Ils ignorent complètement l’autre côté du miroir : le Lou à apprivoiser.
Non pas qu’il soit l’enfant sauvage ou le loup prédateur de notre imaginaire collectif, mais nous venons de loin, très loin.
En cause, le peu de rationalité de Lou.
Qui nourrit des peurs… irrationnelles.
Qui n’induit pas la logique de l’apprentissage.
Qui l’emmène dans une absence de perspectives, de visions d’un futur.
Nos intérêts guident notre rationalité : nous comprenons l’importance d’apprendre telles ou telles choses car elles seront utiles à nos desseins.
A l’opposé, l’utilité d’apprendre effleure difficilement l’esprit de Lou, … en dehors (et inversement) de la musique. Ce qui en fait toute sa singularité.
Et puis à cela se rajoute la cécité, ce sens essentiel qui nous permet en un clin d’œil de comprendre, observer, reconnaître, décrire ou appréhender. Il suffit de voir les facultés d’acquisition d’un bébé par l’observation. Pour qui est aveugle de naissance, toute chose doit s’apprendre par le toucher, l’ouïe, le gout ou l’odorat (dont Lou est exempt). Chaque notion ou chaque raison d’être d’un objet nécessitent des facultés de conceptualisation voire d’abstraction face à l’imperceptible : l’infiniment grand et l’infiniment petit.
Lou se fout de savoir que la terre est ronde. Lou se fout des races, des différences, des performances, de l’abstraction, du calcul, de l’argent, du luxe, du paraître, de son image, …
Ainsi est le monde du Lou à apprivoiser. Un monde insouciant, spontané, rempli d’imaginaires. Mais aussi craintif, paresseux et surtout donc, irrationnel.

Nous sommes cependant contraints de faire le maximum pour l’amener à une certaine conscience des enjeux de la vie. Nous le poussons, tirons, recadrons. Dix fois, vingt fois, cent fois parfois sur un même sujet. Nous dialoguons, le raisonnons, lui apprenons ce que ses yeux et son esprit ne parviennent pas à comprendre. Nous savons, au moment même où nous prononçons des raisonnements simples, qu’il nous faudra les répéter et répéter encore au gré d’un conflit amical mais ferme, où sa réflexion fera défaut. Avec un fol entêtement. Résolus à ne pas perdre les acquis lors des rechutes ou lorsque fatigués, nous baissons la garde.
Mais en regard à bien des parents d’enfants autistes ou malades, nous ne sommes pas à plaindre.

Peu de personnes, mises à part nos proches et ses sœurs à qui il a un peu volé leurs parents, ont conscience de ce tel contraste dans la personnalité de Lou et de l’énergie qu’il demande pour l’aider à grandir.

Mais les résultats sont là et la « kiffschool » (l’école à la maison) mise en place depuis septembre 2017 porte ses fruits. Lou progresse à son rythme, mais il progresse.
Il se peut qu’arrive un jour où des limites seront atteintes dans ses capacités.
Mais jamais ne doit arriver le jour où son ancrage dans la vie réelle en viendrait à tuer ses capacités artistiques et ses valeurs humaines.
Lou est un bien nécessaire à notre humanité en perte de valeurs et de sens.
Mais où se trouve cet équilibre fragile ?
De la question précédente.

Juste une dernière question dont je connais hélas la réponse et contre laquelle je me battrai jusqu’au bout :
Mais quelle place y a t’il en ce monde pour un artiste, un être comme lui, qui ne pourra jamais être totalement autonome, ni dans les normes ?


NDLA : cela fait longtemps que je voulais écrire cet article à l’attention de tous ceux qui ne connaissent que cet artiste qui mérite sa place, au delà de ses différences.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton témoignage me touche d'autant plus que j'y retrouve ma Loulou...
Que je nous y retrouve nous, ses parents et famille, qui essayons de la pousser vers le haut, de lui faire une place dans ce monde qui n'est pas le sien tout en l'étant quand même...

Aujourd'hui, je suis confrontée à la réalité de notre société...
pas fermée mais pas ouverte non plus, et surtout pas prête à s'adapter réellement...

Aujourd'hui, je voudrais avoir les moyens et la possibilité de lui offrir ce que vous êtes parvenu à créer pour votre bonhomme, le "kiffschool"...

En effet notre société, qui n'est pourtant pas si mal loti pour nos bout'chous exceptionnels, n'est pas en mesure de répondre à leurs besoins, envies,...
Ma Loulou qui est dans la musique, dans les langues, qui est capable de lire (sans pour autant tout comprendre), qui est capable de calculer (avec des outils appropriés) sans en comprendre l'utilité,.. n'est pas autonome et a encore besoin de tellement d'aide... L'école ne suit pas, elle aurait sa place dans la "meilleure" classe et en même temps, elle a besoin de l'aide qu'ils donnent aux plus "faibles" classes...
Un horaire adapté serait l'idéal en veillant bien sûr à ne pas faire des ateliers plus que dangereux quand on ne voit pas ou presque pas (genre menuiserie (oui oui, vous lisez bien), ou travailler dans des jardins avec des outils dangereux comme une tronçonneuse!)...

Personnellement, je vous trouve extraordinaire, avoir réussi à faire tout ça pour Lou, parvenir à tenir bon, à ne pas baisser les bras...
Moi, je n'en peux plus, je suis dans une mauvaise passe, c'est sûr mais, voir que l'avenir de Lou, pour le moment, c'est dans un premier temps passer par une certaine école (que je ne site pas mais que tu connais plus que bien!) me rend malade... Et pour ceux qui ne le savent pas, NON, les parents ne sont pas ceux qui ont le dernier mot à moins peut-être de se bagarrer avec le pms et les instances qui sont au-dessus...

Votre Lou fait du bien à notre monde, tous ceux qui le connaissent de près ou de loin le disent et pourtant... notre société nous oblige à un combat de tous les jours...

Merci Luc, merci Lou, merci à votre famille qui nous montre que c'est possible...


Léna (maman de Lou, âgée de bientôt 12ans et atteinte elle aussi du syndrome de Morsier)

Corinne HENARD a dit…

Bonsoir Luc, bonsoir Léna,bonsoir Lou et Lou,
Avant de lire le commentaire de Léna, je voulais écrire que Lou est Loulou, notre petit Prince.
Après la lecture du post de Léna, je me suis dit que ma pensée était mal venue : les 2 Extraordinaires portent le même nom.
Puis tant pis, j'explique pour Lou, celui que je connais.
Lou est un être vrai, sans barrière, comme tu nous le rappelles très bien Luc. Il était aussi un petit garçon soumis à des traitements médicamenteux sournois (je pense à la mélatonine, un exemple parmi tant d'autres), comment faire pour ne pas craindre et fuir ce monde qu'il ne comprend pas ? Lou-Lou, avec des parents courage !
Encore une fois, merci Luc, pour tes mots et tes pensées partagées. Je prends une leçon que je vais tenter de partager à mon tour.

Léna, si vous me permettez, regardez côté soleil !

Bisous à partager
Corinne

Anonyme a dit…

Merci infiniment pour vos partages. Merci Luc tu es bcp de choses dans cette vie terrestre, je penses à une graine qui germe et nourrir les hommes et se re-sème ou re-s'aime... S'adapte tant bien que mal au climat à l'endroit où elle est et à l'énergie universelle qui la fait ou non germer... Je penses à tous les rôles que tu as dans ce parcour de vie qu'est ce film "documentaire"ce film de vie que nous voyons, lisons, partageons avec vous les Bolands... Je tari de toutes ces choses émouvantes, d'éloges, de jeux de mots par ce qu'il se fait tard... Gros bisous et merci Sandrine E.

Berlebus (alias Luc Boland) a dit…

Lena, tiens bon... C'est normal d'avoir de creux. On connait !
Merci sandrine et Corinne.

Daix Joëlle a dit…

Je reste sans voix...avec pleins de pensées en tête...une admiration pour vous...pour Lou aussi....qye votre chemin continue côte à côte.. .avec courage...energie...tout mes respects envers vous...vous êtes un exemple et Lou aussi....merci pour ce partage....��